Pour étudier la composition chimique d'une surface, il existe de multiples techniques expérimentales regroupées sous le terme général d'analyses de surface. Les informations obtenues par une analyse de surface proviennent d'une couche superficielle du solide dont l'épaisseur dépend de la technique et du matériau. Cette épaisseur de l'ordre de quelques nanomètres est appelée profondeur d'analyse. La surface au sens physico-chimique possède donc une épaisseur ; nous sommes loin de la notion de surface au sens mathématique.

La technique d'analyse de surface que nous avons exploitée est la spectroscopie de photoélectrons X ou XPS (X-ray Photoelectron Spectroscopy). Cette méthode renseigne sur la nature des atomes et des liaisons chimiques. C'est pourquoi, elle est aussi appelée spectroscopie d'électrons pour l'analyse chimique ou ESCA (Electron Spectroscopy for Chemical Analysis).

 

2.1- La spectroscopie de photoélectrons XPS ou ESCA

 

a- Principe d'une analyse de surface

 

Toutes les analyses de surface reposent sur le même principe. On excite l'échantillon avec des électrons, des ions ou une radiation électromagnétique (constituée de photons). Le matériau excité émet d'autres particules que l'on analyse en énergie ou en masse. Le spectre d'énergie ou de masse obtenu fournit alors les informations sur la composition de la surface.

 

Schéma de principe d'une analyse de surface

 

Dans le cas de la spectroscopie XPS, la surface est excitée par un rayonnement X et on analyse en énergie les électrons émis par l'échantillon. Ces électrons issus d'un processus de photoémission sont qualifiés de photoélectrons.

Schéma de principe de la spectroscopie XPS

 

b- Nécessité de l'ultra-vide

 La mise en oeuvre de la spectroscopie XPS nécessite de travailler sous ultra-vide (pression de l'ordre de 10-8 à 10-9 mbar) pour permettre le fonctionnement de la source X et de l'analyseur mais également pour limiter l'adsorption de molécules polluantes (H2O, O2, CO2...) sur la surface à analyser.

c- Le dispositif expérimental

 Nos expériences ont été réalisées grâce au service commun d'analyse de surface de l'Institut des Matériaux de Nantes. Ce système Leybold-Heraeus LHS12 comporte deux enceintes sous ultra-vide : la chambre de préparation équipée d'un canon ionique pour éventuellement décaper l'échantillon ; la chambre d'analyse avec la source X et l'analyseur. Le passage de l'échantillon de l'atmosphère à l'ultra-vide se fait en trois étapes et nécessite une quinzaine de minutes.

 

 

d- Principe de la photoémission

 

Chaque photon constituant la radiation monochromatique X de fréquence n a pour énergie :

où h = 6,62 .10-34 J.s est la constante de Planck. Par exemple la raie (radiation X émise par une source en magnésium bombardée par des électrons) que nous avons utilisée lors de nos analyses est caractérisée par :

- énergie du photon : Ex = 1253,6 eV ;

- fréquence;

- longueur d'onde .

 

Le photon lorsqu'il interagit avec un atome de la cible peut provoquer son ionisation en lui cèdant la totalité de son énergie Ex. Une partie de cette énergie sert à arracher l'électron à l'atome ; il s'agit de l'énergie de liaison EL. Le reste est transmis à l'électron sous forme d'énergie cinétique : E0 = Ex - EL. L'électron qui atteint l'extrême surface du solide avec cette énergie E0 est émis dans le vide. Il atteindra l'analyseur (ou spectromètre) avec une énergie cinétique Ec = E0 - W. Le travail de sortie W du spectromètre, évalué par étalonnage, est la conséquence d'une différence de potentiel électrique entre l'échantillon et l'analyseur.

 

L'énergie cinétique Ec mesurée par le spectromètre permet d'accéder à l'énergie de liaison EL caractéristique du niveau électronique (couche et sous-couche) dont le photoélectron est issu :

EL = hv - Ec -W

et par conséquent à la nature de l'atome et à son environnement chimique.

 

Diagramme énergétique du processus de photoémission

 

  

e- Aspect général d'un spectre XPS

 

On peut schématiquement classer les photoélectrons en deux catégories :

- photoélectron (I) émis par l'atome A avec l'énergie cinétique E0 et atteignant la surface du solide avec cette même énergie ;

- photoélectron (II) émis par l'atome A avec l'énergie cinétique E0 et atteignant la surface du solide avec une énergie inférieure parce qu'il a interagi avec d'autres atomes en provoquant par exemple l'émission d'électrons secondaires.

 

Les photoélectrons de type II et principalement les électrons secondaires contribuent au fond continu du spectre tandis que les photoélectrons de type I sont à l'origine des pics spécifiques à la spectroscopie XPS.

 

La source X à anode de magnésium n'est pas parfaitement monochromatique, elle délivre une raie principale d'énergie 1253,6 eV et des raies satellites (1258,1 eV ; 1262,0 eV et 1263,6 eV) beaucoup moins intenses (respectivement 1 % ; 9,2 % et 5,1 % de l'intensité de la raie principale). Cela a pour conséquence de faire apparaître dans le spectre XPS, à côté de chaque pic principal, des pics satellites. Le traitement informatique permet de soustraire aisément ces pics satellites qui pourraient induire des erreurs d'interprétation.

Tous les spectres présentés dans notre rapport ont pour abscisse l'énergie de liaison plutôt que l'énergie cinétique. C'est en effet EL qui est caractéristique de l'élément et de son environnement chimique.

Pour déterminer la composition chimique de la surface (ou plus exactement de la couche superficielle analysée), il est indispensable par un traitement informatique de soustraire le fond continu pour ne conserver que les pics photoélectroniques. L'aire d'un pic est proportionnelle à l'abondance de l'élément chimique considéré.

 

f- Déplacement chimique

 

Notons EL(réf), l'énergie de liaison d'un photoélectron provenant d'un atome A dans le corps simple solide de référence (A est donc lié uniquement à des atomes A).

L'énergie de liaison ELdu même photoélectron dans un environnement chimique différent (A lié à B par exemple), sera légèrement différente.

Cette variation d'énergie de liaison est appelée déplacement chimique :

E = EL - EL(réf).

 

Des règles très simples permettent une interprétation des spectres XPS :

le déplacement chimique (au maximum de quelques eV) est identique pour tous les niveaux électroniques d'un atome ;

E > 0 si B est plus électronégatif que A ; E < 0 si B est moins électronégatif que A ;

les effets des différents voisins B de l'atome A sont additifs.

 dépl chimique

 Le déplacement chimique

 

Analyse XPS