Les traitements de surface sont des procédés qui modifient les propriétés superficielles d'un matériau. Ils rendent possible l'utilisation des matériaux traditionnels dans la plupart des technologies de pointe : les alliages d'aluminium dans la construction aéronautique, par exemple.

Ces procédés sont nombreux et ils font intervenir des phénomènes très variés de la physique et de la chimie : électrochimie, métallurgie, mécanique, optique...

Nous développons dans cette partie :

- des procédés de revêtement de surface dont le but est de protéger contre la corrrosion : l'anodisation de l'aluminium, le dépôt des peintures lors de la construction des navires aux Chantiers de l'Atlantique ;

- des procédés de grenaillage de surface ayant pour objectif de décaper la surface ou d'augmenter la durée de vie de certaines pièces mécaniques.

 

3.1- L'anodisation de l'aluminium

 

Nous avons réalisé un traitement de surface électrochimique simple : l'anodisation de l'aluminium. Les méthodes d'observation et de caractérisation (MEB, AFM et XPS), développées dans la 1ère et la 2ème partie, nous ont permis d'étudier les modifications de l'état de surface induites par ce traitement.

 

a- Principe de l'anodisation en milieu sulfurique

 

L'aluminium présente à l'état naturel une couche d'alumine superficielle(2.2) qui le protège de l'oxydation. Cette couche naturelle, de quelques nanomètres d'épaisseur, est sujette à détérioration. Une meilleure protection de l'aluminium contre la corrosion est obtenue en accroissant l'épaisseur de la couche d'alumine. C'est l'objet de la technique d'anodisation de l'aluminium. Cette technique consiste en une électrolyse généralement en milieu acide sulfurique. L'aluminium ainsi traité est appelé anodisé.

 

La couche d'alumine obtenue par anodisation présente une structure poreuse. Il convient de la colmater en plongeant l'aluminium anodisé dans l'eau bouillante. Cette opération de colmatage peut éventuellement être précédée d'un procédé de coloration ; les pigments colorés entrent dans les pores et y sont emprisonnés lors du colmatage.

 Le montage que nous avons utilisé pour réaliser l'anodisation est schématisé sur la page précédente.

A la cathode en plomb (-), les ions H+ de la solution acide sont réduits en gaz dihydrogène H2 qui se dégage. A l'anode (+), les atomes d'aluminium sont oxydés en ions Al 3+ qui réagissent avec l'eau pour former l'alumine. Une partie de l'alumine formée est dissoute par l'acide.

 Les différentes expériences ont été effectuées avec une tension U voisine de 9 V et une intensité I de l'ordre de quelques dixièmes d'ampère.

 A l'issue de l'électrolyse, on plonge la lame dans une solution d'ammoniac afin de neutraliser l'acide. On procède ensuite au colmatage pendant quelques minutes dans l'eau bouillante.

 

b- Evaluation de l'épaisseur de la couche d'alumine

 

Nous avons essayé de déterminer la vitesse de croissance de la couche d'alumine dans les conditions de notre expérience d'anodisation. Pour cela, nous avons réalisé des électrolyses de différentes durées t (jusqu'à 45 minutes) puis découpé les échantillons d'aluminium anodisé pour en observer la tranche au microscope électronique. Les clichés MEB ont montré : d'une part, que lors du découpage, la couche d'alumine se fendille et n'adhère plus à l'aluminium ; d'autre part, que l'épaisseur de la couche sur un même échantillon n'est pas homogène. Notre étude n'a donc pas pu aboutir.

Pour les conditions expérimentales suivantes : U = 8,8 V ; I = 0, 35 A ; t = 10 min, nous avons cependant évalué l'épaisseur de la couche d'alumine (photographies ci-dessous), soit environ 2 à 2,5 µm.

 

 Image

Cliché MEB d'une couche d'alumine obtenue par anodisation d'une feuille d'aluminium.

Le découpage de l'échantillon a provoqué l'éclatement de la couche.

 

c- Porosité

 

Les photos MEB réalisées (ci-dessous) nous montrent la structure poreuse d'une couche d'alumine préparée dans les conditions suivantes : U = 8,8 V ; I = 0,6 A ; t = 30 min.

Avant colmatage, on observe des pores de 10 à 20 nm, ainsi que des cavités de dimension supérieure : de l'ordre de 100 nm.

Le colmatage (durée { 2 min) a fait disparaître ces cavités ; néanmoins, il n'a pas été suffisant pour boucher totalement les pores.

 

Vue aggrandieVue aggrandie

100 nm

Vue aggrandieVue aggrandie 

250 nm

Avant colmatage Après colmatage

 Photographies MEB d'une feuille d'aluminium anodisé

 

d- Rugosité

 

Pour comparer les rugosités de l'aluminium brut avant anodisation (A), de l'aluminium anodisé non colmaté (B) et colmaté (C), nous avons utilisé l'AFM (voir images page suivante).

Pour chaque échantillon, deux mesures de rugosités arithmétiques ont été effectuées : l'une sur une surface de 1 µm², l'autre sur 100 µm².

L'histogramme suivant regroupe les résultats de ces mesures :

 

On constate que les rugosités mesurées sur les échantillons d'aluminium anodisés ( colmatés et non colmatés) sont très supérieures à celles de l'aluminium brut. Cette différence est la conséquence d'une croissance non homogène de la couche d'alumine lors de l'électrolyse.

Les rugosités de l'aluminium anodisé colmaté et non colmaté sont voisines, alors qu'on aurait pu supposer que le colmatage diminuerait la rugosité. Nous pouvons penser que la croissance de la böhmite (Al2O3, H2O) n'est pas homogène lors du colmatage.

Pour un même échantillon, on constate également que la rugosité mesurée sur 1 µm² est très inférieure à celle mesurée sur 100 µm². En effet, à grande échelle, on ne considère pas le même relief qu'à petite échelle. Les variations sur une surface de 1 µm² sont moins importantes que sur 100 µm².

 

Images au microscope à force atomique d'une surface d'aluminium

 

e- Dureté

 

Dans le paragraphe 1.3, nous avons traité du principe de mesure de la microdureté Vickers. Nous avons utilisé ce procédé sur quatre types d'échantillons d'aluminium fournis par l'entreprise Hydro-Aluminium de Châteauroux : le matériau brut avant anodisation (épaisseur d'alumine ~ 0) et de l'aluminium anodisé recouvert d'une couche d'alumine d'épaisseur 5 µm, 10 µm ou 20 µm.

Les valeurs moyennes de la profondeur de pénétration de la pyramide et de la dureté Vickers (masse m = 300 g et durée de mise en charge t = 10 s) figurent dans l'histogramme suivant. Il faut noter que ces mesures ont été délicates à effectuer en raison des fissures apparaissant dans la couche d'alumine sous l'action du pénétrateur.

 Histogramme 

On note donc que la dureté superficielle de l'aluminium anodisé augmente avec l'épaisseur de la couche d'alumine. En effet, l'alumine est un matériau beaucoup plus dur que l'aluminium. Pour autant, la dureté mesurée n'est pas celle du matériau alumine mais celle d'une couche d'alumine sur de l'aluminium. Ainsi que l'illustre la figure suivante, l'influence de l'aluminium sous-jacent décroit lorsque l'épaisseur de la couche d'alumine augmente.

 

 

 

 

 f- Composition chimique

Le spectre XPS large, réalisé sur un échantillon d'aluminium anodisé, révèle la présence non seulement des éléments aluminium et oxygène mais aussi de soufre (pic S 2p). L'échantillon ayant été anodisé en milieu acide sulfurique donc en présence d'ions sulfate SO42-, il ne faut pas s'étonner de rencontrer un pourcentage non négligeable d'élément soufre dans la composition chimique de la couche superficielle analysée.

Composition chimique de la surface d'un échantillon d'aluminium anodisé en milieu sulfurique

La méthode d'obtention de ces valeurs a été décrite dans le paragraphe 2.2.c

 

Alors que le pic Al 2p de l'aluminium brut (avant anodisation) est constitué de deux composantes : Al dans le métal et Al dans la couche d'alumine superficielle (voir § 2.2), celui de l'aluminium anodisé n'est constitué que de la composante Al dans l'alumine. En effet, le métal n'est plus visible pour cet échantillon puisque l'épaisseur de la couche d'oxyde (de l'ordre du µm) est largement supérieure à la profondeur d'analyse (<10 nm).

 

 

Par ailleurs, le décalage en énergie d'environ 4,5 eV du pic Al 2p pour l'échantillon anodisé par rapport à la même composante pour l'aluminium brut est le résultat d'un phénomène appelé effet de charge. Cet effet est visible lors d'une analyse XPS d'une couche isolante, comme c'est le cas pour l'alumine. Lors des processus de photoémission, les charges positives créées s'accumulent dans l'alumine et "ralentissent" les photoélectrons. La diminution de l'énergie cinétique des photoélectrons se traduit dans le spectre par une augmentation apparente de l'énergie de liaison.

 

  Résultats des mesures

 

Le grenaillage